Rechute
Vous n'êtes pas sans savoir qu'avant cette vie actuelle, de célibataire endurcie, j'ai eu vécu une autre vie, celle de mère de famille nombreuse.
Une grande maison, un mari, quatre enfants et le boulot, y'a pas, comme dans la chanson du regretté Jean (Ferrat) "ça vous occupe vos journées". Le lave linge tourne dix fois par semaine, les courses remplissent le caddie à ras bord, on consomme presque deux litres de lait par jour, les oeufs on les achète par plaques de trente, on guette les avant-soldes et on profite des offres genre quatre articles, 40% de réduction pour renouveler tee shirts et pantalons chez K****...
Les repas, même les plus simples, on commence à s'en occuper à 18 heures si on veut que tout le monde enfantin soit couché à 20h30. La soupe, on en fait pour trois fois, deux fois en soupe de légumes, bien épaisse, on y rajoutera du râpé et avec des croque-monsieur ou une omelette les dîner sera complet, puis la troisième fois, on la rallonge avec du bouillon cube et on y verse des vermicelles ...
Le linge, je le triais une ou deux fois par semaine, sur la grande table de la cuisine, quatre chaises pour recevoir les affaires de chacun de quatre enfants, une bannette pour les chaussettes esseulées, la paillasse de la cuisine pour le repassage à prévoir, les deux côtés de la table pour les parents d'une part, le linge de maison d'autre part. Ensuite chaque tas était déposé dans une caisse de plastique et chacun rangeait ses affaires. A partir des onze - douze ans de chacun des enfants, j'ai arrêté de leur repasser leurs vêtements, s'ils voulaient aller au collège pas fripés, ils pouvaient sortir la planche et le fer à repasser tout seuls comme des grands. Faut dire qu'il y eut une époque où en plus de tout ça j'avais repris des études universitaires avec le CNED, et là, le repassage en avait fait le frais. Pas le temps.
Du temps, maintenant, j'en ai revendre : Alors je chante dans plusieurs choeurs, je recommence à aller à la piscine, et je paresse pas mal.
Les repas sont cependant problématiques. Passée la période d'euphorie du plaisir de ne pas avoir à prévoir et de ne se préoccuper que de ma propre faim, je trouve toujours difficile de me faire à manger pour moi toute seule. Même maintenant je gère mal les courses, parfois pas assez, quelquefois trop.
Et ces derniers temps, j'ai fait comme une rechute, je me suis remise à cuisiner comme avant, en grande quantité: crèmes caramel pour dix, pots de confiture qui remplissent d'un coup mes placards.
Les copains en ont profité, tant mieux pour eux...